Le Code du samouraï ou la Voie du Manager

Les samouraïs s’identifiaient à la beauté fragile et éphémère des fleurs du cerisier. La fleur de cerisier…

Les samouraïs s’identifiaient à la beauté fragile et éphémère des fleurs du cerisier. La fleur de cerisier ne reste pas accrochée à l’arbre jusqu’à ce qu’elle se fane. Elle tombe dans tout l’éclat de sa beauté, de la même manière qu’un samouraï imagine qu’il mourra au combat, à la fleur de l’âge.

Le préfixe «bu» signifie, en japonais, l’ensemble des techniques martiales. Shi signifie guerrier, et le suffixe do désigne la voie, celle qui mène à la maîtrise de soi par le travail conjoint du corps et de l’esprit. Le Bushido est le code d’honneur de la caste militaire japonaise qui a donné naissance aux écoles de karaté et autres arts martiaux orientaux, tous régis par des codes d’honneur et la maîtrise du corps et de l’esprit par un entraînement régulier.

L’esprit du Budo est directement issu des samouraïs au Japon, et constitue une véritable éthique inspirée de la philosophie religieuse du shintoïsme, du confucianisme chinois et du bouddhisme Zen. L’esprit du Budo, outre les qualités intrinsèquement guerrières qu’il exigeait, requérait de ses adeptes qu’ils fassent preuve d’une recherche constante de la perfection. Au Japon, aucune figure n’est plus symbolique que celle des samouraïs, ces guerriers héroïques qui vivaient par le code du bushido, la voie du samouraï, fondée sur la loyauté, la justice et l’honneur. Cette tradition guerrière au Japon est aussi vieille que le pays lui-même, mais le véritable samouraï émergea durant la période Heian du milieu du 12ème siècle. Durant cette période, les arts martiaux japonais classiques évoluèrent, et avec eux, le code du bushido.

L’introduction du bouddhisme zen durant la période Kamakura (1192-1333) influencera le code du samouraï. Le bushido demande avant toute chose un certain sang-froid devant la mort, parce que faire face volontairement à la mort, c’est apprendre à conquérir ses peurs. Selon les principes zen, la peur ne peut réellement être conquise que si la notion de «moi» et tout ce qui s’y rattache est abolie.

Bushidô
La première utilisation du terme Bushido s’est apparemment produite pendant la période de guerre civile du 16ème siècle ; son contenu précis a changé historiquement en même temps qu’évoluaient les normes des samouraïs. Zen et bushido s’implantèrent très profondément parmi les samouraïs, et pénétrèrent la culture et les valeurs japonaises. Dans cette perspective et dans la poursuite d’un but, l’entraînement mental devint plus important que le physique. Son idéal était l’esprit martial, y compris des qualifications sportives et militaires aussi bien que l’affrontement sans peur de l’ennemi dans la bataille. L’austérité, la bonté et l’honnêteté ont été également fortement considérés. Comme le Confucianisme, le Bushido exigeait le dévouement filial mais, provenant du système féodal, il a également soutenu que l’honneur suprême était de servir son seigneur jusqu’à la mort. Si ces engagements étaient en conflits, le samouraï était lié par fidélité à son seigneur en dépit de la douleur qu’il pourrait causer à ses parents.

La standardisation finale de la pensée du Bushido s’est produite pendant la période de Tokugawa au 17ème siècle, quand Yamaga Soko (1622-1685) a comparé le samouraï avec «l’homme supérieur» confucéen, et a enseigné que sa fonction essentielle était d’être des exemples vivants pour les classes inférieures. Sans négliger la vertu confucéenne de base, la bienveillance, Soko a mis l’emphase sur la deuxième vertu, la droiture, qu’il a interprétée en tant que l’engagement, le devoir. Ce code d’honneur strict, affectant des sujets de vie et de mort, a exigé un choix conscient et ainsi a stimulé l’initiative individuelle tout en réaffirmant pourtant les engagements de la fidélité et du dévouement filial. L’obéissance à l’autorité a été soulignée, mais le devoir est venu d’abord même s’il nécessitait la violation de la loi décrétée. Dans un tel exemple, le vrai samouraï prouverait sa sincérité et expierait son crime contre le gouvernement en s’enlevant plus tard sa propre vie.

Le Code du Samouraï
LA BONTÉ et LA BIENVEILLANCE : SHINSETSU
LA DROITURE : TADASHI
LE COURAGE : YUUKAN
LE RESPECT : SONCHOO
LE CONTRÔLE DE SOI : SEIGYO
L’HONNEUR : MEIYO
LA FIDÉLITÉ : CHUJITSU
LA SINCÉRITÉ : SEIJITSU
La morale traditionnelle qui régit l’ensemble des arts martiaux. C’est le respect formel du code moral que l’on s’est choisi. Il faut savoir que chaque pratiquant qui atteint le niveau de ceinture noire 1er dan doit devenir un ambassadeur du bushido, code d’honneur et de morale traditionnelle qui régit l’ensemble du Budo.
Honneur et fidélité sont les deux vertus les plus marquantes de cette morale, mais aussi loyauté, droiture, courage, bonté et bienveillance, sincérité, respect et politesse, modestie et humilité, et, en toutes circonstances, contrôle de soi. Le devoir de chacun, qu’il soit pratiquant, dirigeant ou enseignant est de s’imprégner de ces principes afin d’être un exemple vivant. Il devra être un ambassadeur de la discipline et de l’esprit auquel il se réfère. Neuf vertus fondamentales régissent ce code moral.

LA BONTÉ et LA BIENVEILLANCE : SHINSETSU
Vertu de base selon le confucianisme Chinois, la bonté et la bienveillance dénotent une grande humanité. Elles nous incitent à l’entraide, à l’attention envers notre prochain et notre environnement, et au respect de la vie. Conçue comme un trait féminin, la bienveillance vient équilibrer la rectitude et la justice dure, deux traits perçus comme masculins. La bienveillance inclue l’amour, l’affection pour les autres, la sympathie et la noblesse des sentiments. La bienveillance peut exister sans échange, mais elle reste un sentiment constructif fait de compréhension et d’amitié, une des formes de la bonté. La bienveillance est aussi l’indulgence pour les lacunes et défaillances d’autrui, et un encouragement pour les aptitudes naissantes.

LA DROITURE : TADASHI
La rectitude est le précepte le plus incontestable de tout le code du Bushi. C’est suivre la ligne du devoir, sans jamais s’en écarter. Loyauté, honnêteté et sincérité en sont les piliers. Elles nous permettent de prendre sans aucune faiblesse une décision juste et raisonnable. Un Bushi célèbre la définit ainsi : « La rectitude est le pouvoir de prendre, sans faiblir, une décision dictée par la raison. Mourir quand il est bien de mourir, frapper quand il est bien de frapper», quelles que soient ses qualités, ses faiblesses ou sa position sociale. Savoir traiter les personnes et les choses avec déférence et respecter le sacré est le premier devoir d’un Budoka, car cela permet d’éviter de nombreuses querelles et conflits. Rien n’est plus repoussant à un Bushi que de traiter en secret et d’agir par traîtrise. La droiture engendre le respect à l’égard des autres et de la part des autres. La politesse est l’expression de ce respect dû à autrui. Mais cette rectitude pourrait dégénérer si elle n’était soutenue, par l’audace et l’endurance du courage.

LE COURAGE: YUUKAN
La force d’âme qui fait braver le danger et la souffrance s’appelle le courage. Ce courage qui nous pousse à faire respecter, en toutes circonstances, ce qui nous paraît juste, et qui nous permet, malgré nos peurs et nos craintes, d’affronter toutes les épreuves. Confucius définit ainsi le courage : «Sachant ce qui est juste, ne pas le faire démontre l’absence de courage. Donc, le courage est de faire ce qui est juste ». Le courage est une vertu si seulement il y a droiture. Courir toutes sortes d’aventures désordonnées, s’exposer sans raisons justes, n’est pas de la bravoure. Un prince samouraï disait : « C’est le propre du vrai courage de vivre quand il faut vivre, et de mourir seulement quand il faut mourir ». Un homme vraiment brave garde toujours sa sérénité et sa lucidité. Dans les catastrophes, les dangers, les souffrances, la mort, il garde la maîtrise de soi. Maîtrise et impassibilité ne sont ni contrainte ni raideur, mais détente et paix, issues de l’absence de peur. C’est ainsi que les samouraïs improvisaient souvent des poèmes sur le champ de bataille, en l’honneur de leurs ennemis dont ils appréciaient la bravoure ou l’habileté. Un samouraï disait « L’homme de valeur et d’honneur estime comme ennemis en temps de guerre, ceux qui sont dignes d’être des amis en temps de paix. Le succès d’un ennemi estimé est aussi celui du samouraï ».
LE RESPECT : SONCHOO
Sans modestie, aucun respect n’est possible, sans respect, aucune confiance ne peut naître. Sans confiance, aucun enseignement ne peut être donné, ni reçu. Cette relation humaine élevée est encore vivante en Orient. Depuis le Moyen Age, elle a pratiquement disparue en Occident. C’est pourquoi la civilisation occidentale est devenue une civilisation de tête, mécanique, et qui se préoccupe avant tout du bien-être matériel, de la santé, et de la durée du corps. Cette attitude de respect doit s’étendre au dojo, où l’enseignement est donné, et la voie recherchée. Elle doit englober aussi les partenaires dans la même recherche. S’il y a respect, il ne peut y avoir vulgarité. L’âge, qui implique l’expérience de la vie, les anciens dans l’étude, les grades élevés, les débutants, les faibles, doivent être l’objet du respect passif et actif de la ceinture noire. A son tour, en cela, il doit être un modèle. Il faut surtout éviter la critique et le dénigrement des autres, car cette néfaste habitude a pour but inconscient de se louanger soi-même. «Un tel est ainsi », cela sous-entend : « je ne suis pas comme lui ». « Un tel a fait, a dit telle chose », cela sous-entend : « Moi je n’aurais pas dit, ou pas fait cela ». Rabaisser autrui est un moyen facile de se grandir, relativement à peu de frais. De telles pratiques sont indignes d’une ceinture noire. C’est de la prétention inconsciente. C’est seulement en travaillant sur ce qui nous manque qu’on peut s’améliorer.
Pour respecter les autres, il faut pouvoir résister à ses propres émotions d’irritation, de colère, de désir, de peur, etc. La force d’âme, combinée au respect d’autrui et à la politesse, qui ne veut pas blesser ou gêner les autres, aboutit à une attitude stoïque. Dans le BUSHIDO cela est connu comme le contrôle de soi.

LE CONTRÔLE DE SOI : SEIGYO
Pour un samouraï, laisser paraître ses émotions sur le visage ou dans ses gestes est un manque de force. Le code d’honneur et de la morale traditionnelle enseignée dans les disciplines du Bushido est basé sur l’acquisition de cette maîtrise. Une grande partie de l’apprentissage du karaté est basé sur cette vertu. Cela doit être la qualité essentielle de toute ceinture noire. Il représente la possibilité de maîtriser nos sentiments, nos pulsions et de contrôler notre instinct. C’est l’un des principaux objectifs de la pratique des Arts Martiaux, car il conditionne toute notre efficacité.
Inazo Nitobe raconte qu’il connaît l’histoire d’un père qui passa des nuits entières derrière la porte à écouter la respiration de son enfant malade : il ne voulait pas être surpris dans cet état de faiblesse paternelle. Il cite aussi le cas d’une mère qui, à ses derniers moments, s’abstint d’envoyer chercher son fils pour qu’il ne fût pas dérangé dans ses études. Les histoires héroïques de ce genre abondent au Japon, et trouvent toujours une résonance profonde dans le coeur des Japonais.
Certains disciples du BUSHIDO pouvaient atteindre un haut degré de douceur pacifique. Tel Ogawa : « Quand les autres disent du mal de toi, ne rends pas le mal pour le mal, mais réfléchis. Tu n’as pas été non plus toujours fidèle dans l’accomplissement de tes devoirs».

L’HONNEUR : MEIYO
Au Japon, les enfants sont élevés avec un sentiment aigu de l’honneur, leurs parents manifestent eux-mêmes un attachement plus grand à l’honneur qu’à la vie. L’honneur, qualité essentielle, établit notre attitude et notre manière d’être vis-à-vis des autres. C’est une intense conscience de la valeur de la dignité personnelle. Nul ne peut se prétendre Budoka (guerrier au sens noble du terme) s’il n’a pas une conduite honorable. Du sens de l’honneur découlent toutes les autres vertus. Il exige le respect du code moral et la poursuite d’un idéal, de manière à toujours avoir un comportement digne et respectable.
Toute infraction à l’honneur d’un samouraï était ressentie et appelée «ren-shi-shin» (un sens de la honte). La désobéissance au code ou à un supérieur produisait un sentiment de culpabilité et de honte. Le sens du déshonneur était ainsi le stimulant suprême pour corriger la conduite. Un samouraï, dans sa jeunesse, refusa de laisser entamer sa réputation par une compromission légère parce que, disait-il, « le déshonneur est pareil à une cicatrice sur un arbre que le temps, au lieu d’effacer, agrandit tous les jours ».
Mais ce sens de l’honneur, s’il est mal compris, a donné lieu, chez les samouraïs, à des exagérations morbides. Ceux qui n’avaient sacrifié, par avance, que leur corps, mais cultivaient inconsciemment un égoïste amour d’eux-mêmes et un orgueil arrogant, croyaient, pour un oui ou un non, devoir laver dans le sang de pseudo atteintes à leur honneur. Heureusement, chez les samouraïs, s’offenser d’une provocation légère était ridiculisé comme un manque de contrôle de soi. Selon un dicton populaire ; Supporter ce qu’on croit ne pas pouvoir supporter voilà qui est réellement supporter.
Meng-Tseu disait : « Il est dans la nature de tout homme d’aimer l’honneur, mais ce qui est vraiment honorable réside en chacun et non ailleurs. L’honneur que les hommes confèrent n’est pas le véritable honneur ». L’approbation des hommes et la gloire du monde n’est pas l’honneur. Mais l’honneur est attaché à la manière d’être, à la fidélité, à la parole, à un ami, un Maître, un Idéal, ou à la vérité. C’est pourquoi le devoir de fidélité est un des piliers du BUSHIDO.

LA FIDÉLITÉ : CHUJITSU
Il n’y a pas d’honneur sans fidélité et loyauté à l’égard de certains idéaux et de ceux qui les partagent. La fidélité symbolise la nécessité incontournable de tenir ses promesses et remplir ses engagements. La fidélité nécessite la sincérité dans ses paroles et dans ses actes. Le sentiment de fidélité a, dans le BUSHIDO, une importance capitale. De nos jours, ce lien a évolué, tout au moins dans certaines civilisations occidentales, mais il n’a pas pour autant disparu. Bien que, dans certains pays d’Occident, on prête encore maintenant serment au souverain, Roi ou Empereur, qui incarne la patrie. Aujourd’hui, il convient de faire preuve de fidélité et de loyauté, par exemple à l’égard de sa patrie, y compris, pour la défendre, l’éventuel sacrifice de la vie. Celui qui se dérobe à ce devoir est considéré comme un lâche ou un traître.
En Chine, Confucius faisait de la fidélité et la loyauté à l’égard des parents le premier des devoirs humains. Dans l’Inde, ces devoirs occupent une grande place. Au Japon également. Mais, dans l’Inde, la première place revient au Maître spirituel ; au Japon, elle revient à l’Empereur qui incarne pour les japonais le YAMATO, l’âme même du pays. L’importance de ce message est que, quel que soit le motif ou l’objet de la fidélité et du loyalisme, ce sentiment existe.
Mais, toutes ces fidélités et loyautés, ont un dénominateur commun. C’est la consécration de sa vie à quelque chose de plus grand que soi, et que les possessions humaines ou matérielles. Celui qui ne vit que pour soi ou ses possessions humaines ou matérielles, est un vivant de qualité médiocre, qui ne sauvera finalement aucune de ses possessions, ni même sa vie, puisque tôt ou tard il mourra.
De nos jours, les principes directeurs du BUSHIDO restent toujours vrais, mais doivent être adaptés à des situations nouvelles. Dans les Arts Martiaux, les relations de Maître à disciple sont le grand idéal humaniste traditionnel. Son application dans la vie tout entière offre un large champ de réalisation des principes du BUSHIDO. Il convient donc que les ceintures noires s’en inspirent, le respectent et le vivent.

LA SINCÉRITÉ : SEIJITSU
Lors du salut du karatéka au début et à la fin des cours ou des compétitions, vous exprimez cette sincérité. Le mensonge et l’ambiguïté engendrent la méfiance qui est la source de tous les désaccords. Dans les Arts Martiaux, le salut est l’expression de cette sincérité, c’est le signe de celui qui ne déguise ni ses sentiments, ni ses pensées, de celui qui veut être authentique. L’honnêteté était une extension de la vision du courage que le bushi avait. Aussi s’efforçait-il de rester honnête dans toutes les situations. Confucius va plus loin : « La sincérité est la fin et le commencement de toutes choses, sans la sincérité, rien n’existerait ». L’idéogramme chinois qui signifie sincérité est une combinaison de « Parole » et de «Perfection ».
Le BUSHIDO tient le mensonge ou l’équivoque pour une égale lâcheté. BUSHI NO ISHIGON, parole de samouraï, est une garantie suffisante. Une promesse ainsi faite est tenue, sans preuve nécessaire de cet engagement. Il n’y a pas de différence entre vérité et réalité. Cependant il peut exister des préséances entre le vrai et le réel. C’est alors que doit intervenir le discernement. Si un malade demande à un médecin : « quelle est la gravité de mon état ? ». Le médecin en répondant : « ce n’est pas grave, vous serez bientôt guéri », bien qu’il sache le contraire, obéit à une vérité d’un ordre supérieur : préserver le moral, dont les chances minimes de guérison de son malade ; ne pas troubler et accabler inutilement son prochain et son entourage. Il en est de même de la politesse. Parfois, dire la vérité est une cruauté inutile. Cacher une disgrâce, une laideur, une antipathie est un acte de compassion qui obéit à une réalité d’un ordre supérieur à la Vérité immédiate.
La passion du BUSHIDO pour la franchise, la loyauté, a sa source dans le courage, mais aussi dans le besoin de limpidité, de pureté, d’harmonie et de cohérence. Tout ce qui entache cet état est déshonorant.

LA MODESTIE et L’HUMILITÉ : KEN
Les relations enseignant-élève sont impossibles sans modestie. Si le budoka devient l’ambassadeur du code moral, il se doit de rester humble et ne pas flatter son ego. L’orgueil et la vanité freinent considérablement l’apprentissage de ce code. La bonté et la bienveillance ne peuvent s’exprimer sincèrement sans modération dans l’appréciation de soi- même. Savoir être humble, exempt d’orgueil et de vanité, sans faux-semblant est le seul garant de la modestie.
Comme toutes les autres bases du BUSHIDO, la modestie a ses véritables racines dans la sincérité et la vérité. Une modestie, qui n’est qu’une forme purement extérieure de la politesse ou une habileté pour se concilier l’opinion, n’est pas la véritable modestie. Une fausse modestie peut être une des formes les plus dangereuses de la vanité, ou de la peur: «Je me mettrai si bas, que nul ne pourra m’y mettre davantage », n’est rien d’autre que la formule d’un calcul bassement utilitaire.
L’homme vraiment modeste ne désire pas s’abaisser, mais simplement s’apprécier, selon la vérité et la justesse, avec sincérité et honnêteté. La vanité aime parader, même si elle proclame une valeur irréelle ou médiocre. Le désir d’être admiré, aimé, respecté pour légitime qu’il soit, n’est admissible que si la valeur est authentique.
Ce désir est à l’origine de bien des exploits et aussi de bien des erreurs. Celui qui dit : «Je suis modeste », cesse de l’être à cet instant précis. Le culte de la modestie consiste donc, d’abord, à être conscient de l’immodestie et de la propension à affirmer, à soi-même et aux autres, des valeurs inexistantes. Il consiste, ensuite, à concentrer l’attention sur ce qui manque, objectivement, avec la ferme volonté de se transformer.
Enfin, il est important de savoir apprécier, respecter et aimer la valeur chez les autres, amis ou ennemis, et les prendre pour référence. On risque peu à peu de les surestimer, tout en les sous-estimant.

L’Art de combattre sans combattre
L’histoire qui va vous être contée ci-dessous était chère à Bruce Lee, si vous connaissez bien la filmographie du Petit Dragon vous y trouverez une allusion.
Le célèbre Maître Tsukahara Bokuden traversait le lac Biwa sur un radeau avec d’autres voyageurs. Parmi eux, il y avait un samouraï extrêmement prétentieux qui n’arrêtait pas de vanter ses exploits et sa grande maîtrise du sabre. A l’écouter, il était champion toutes catégories du Japon. C’est ce que semblaient croire tous les autres voyageurs qui l’écoutaient avec une admiration mêlée de crainte. Tous ? Pas vraiment, car Bokuden restait à l’écart et ne paraissait pas le moins du monde gober cet amas de sornettes. Le samouraï s’en aperçut et, vexé, il s’approcha de Bokuden pour lui dire :
«Toi aussi tu portes une paire de sabres. Si tu es samouraï, pourquoi ne dis-tu pas mots ?» Bokuden répondit calmement :
«Je ne suis pas concerné par tes propos. Mon art est bien différent du tien. Il consiste, non pas à vaincre les autres, mais à ne pas être vaincu.»
Le samouraï se gratta le crâne et demanda :
«Mais alors, quelle est ton école ?»
«C’est l’art de combattre sans armes.»
«Mais dans ce cas, pourquoi portes tu des sabres ?»
«Cela m’oblige à rester maître de moi pour ne pas répondre aux provocations. C’est là un défi de tous les jours.»
Exaspéré le samouraï continua :
«Et tu penses vraiment pouvoir combattre avec moi sans sabre?» «Pourquoi pas? Il est même possible que je gagne!»
Hors de lui le samouraï cria au passeur de ramer vers le rivage le plus proche, mais Bokuden suggéra qu’il était préférable d’aller sur une île, loin de toute habitation, pour ne pas provoquer d’attroupement et être plus tranquille. Le samouraï accepta. Quand le radeau atteignit une île inhabitée, le samouraï sauta à terre et dégaina son sabre, prêt au combat. Bokuden enleva soigneusement ses deux sabres, les tendit au passeur et s’élança pour sauter à terre, quand, soudain, il saisit la perche du batelier, puis dégagea rapidement le radeau pour le pousser dans le courant.
Bokuden se retourna vers le samouraï qui gesticulait dans tous les sens sur l’île déserte et il lui cria :

«Tu vois, c’est cela l’art de combattre sans arme !»
Voici une autre histoire intéressante qui illustre aussi que le mental doit primer sur la technique.
Un jour un célèbre maître de sabre Tsukahara Bokuden voulut mettre ses fils à l’épreuve. Pour commencer, il fit appeler Hikoshiro, l’aîné des trois. En ouvrant la porte du coude, celui-ci la trouva plus lourde qu’à l’accoutumée et, en passant la main sur la tranche supérieure de la porte, constata qu’on avait disposé, en équilibre, un lourd appui-tête en bois. Il l’enleva, entra puis le remis exactement comme il avait trouvé.
Bokuden fit alors venir son fils cadet, Hikogoro. Quand celui-ci poussa la porte, l’appui-tête tomba mais il le rattrapa en vol et le remit à sa place.
Bokuden fit enfin appeler son benjamin Hikoroku, le meilleur, et de loin, au maniement du sabre. Le jeune homme poussa puissamment la porte et l’appui-tête tomba, heurtant son chignon. En un éclair, il dégaina le sabre court qu’il portait à la ceinture et trancha l’objet avant qu’il ne touchât le tatami.
À ses trois fils, Bokuden déclara: «C’est toi Hikoshiro, qui transmettra notre méthode de maniement du sabre. Toi, Hikogoro, en t’entraînant ardemment, peut-être égaleras-tu, un jour, ton frère. Quand a toi, Hikoroku, tu conduiras certainement un jour notre école à sa perte et attireras l’opprobre sur ton patronyme. Je ne peux donc pas m’offrir le luxe de garder un individu aussi imprudent dans mes rangs ». Sur ces vertes paroles il le désavoua. Cela illustre parfaitement l’importance accrue des facultés mentales sur les facultés techniques.